91.

— Barrez-vous de mon chemin, bordel ! Poussez-vous ! Poussez-’ous ! Allez, allez, allez !

Un inimaginable échange de coups de feu avait éclaté. Tout en se rayant un chemin à coups de coudes dans la foule des badauds déjà attroupés dans Halsey Street pour profiter de l’action en direct, Carroll vit des flammes s’élever sur plusieurs toits plats.

La douleur le fit grimacer. Il ne sentait plus son bras gauche et il vivait apparemment un problème du côté de la colonne vertébrale : quand il courait, comme c’était le cas dans l’immédiat, le contact de ses talons sur le bitume lui provoquait des élancements atroces qui lui remontaient tout au long de l’épine dorsale.

Aucun des gens du quartier – adolescents en blouson de cuir, jeunes femmes maussades, petits enfants grimaçants – ne semblait avoir conscience que le violent spectacle auquel ils assistaient était réel. Ils poussaient des hurlements stridents, presque des cris de joie.

— Rentrez chez vous ! Rentrez chez vous, nom de Dieu ! vociféra Carroll en fendant la foule. Ramenez vos gosses à l’intérieur ! Rentrez dans vos maisons !

Des visages aux yeux écarquillés et avides apparaissaient à toutes les fenêtres. Plus bas dans la rue, des centaines de curieux du voisinage piétinaient dans le froid et sous la pluie. Ils scrutaient l’endroit d’où provenaient les explosions, captivés par l’incendie, les lueurs des salves saccadées de fusils M 16 et des coups de pistolet.

Carroll poursuivait sa course en position de combat, se rapprochant du bâtiment où la fusillade et l’incendie faisaient rage.

Une voix portée par un mégaphone de la police tonna sur sa gauche, couvrant la cacophonie de détonations et de cris :

— Vous, là-bas ! Vous qui courez ! Arrêtez-vous là où vous êtes !

Carroll l’ignora, accéléra encore l’allure.

Ses pas étaient chancelants car il devait lutter contre des douleurs qui le crucifiaient.

Au moment où il atteignait l’immeuble embrasé, un son encore plus familier et terrifiant paralysa ses pensées.

Le Cobra de l’armée était en suspension au-dessus du toit de l’usine. L’hélicoptère qui avait abattu les deux appareils de la police était revenu.

Plié en deux, Carroll attaqua d’un bond l’escalier en pierre de l’immeuble. Il montait les marches trois à trois et, à chaque enjambée, il avait l’impression d’entendre son squelette s’entrechoquer, de sentir des os se détacher et flotter sous sa peau.

Un homme costaud surgit soudain par une porte ouverte en face de Carroll, un fusil anti-émeutes dans les mains.

L’arme de Carroll était en position de tir rapide répété. Il fit feu. Le visage désintégré par la rafale, le terroriste partit à la renverse dans l’embrasure de la porte.

La fumée, qui sortait par les fenêtres fracassées du rez-de-chaussée, se logea dans les poumons de Carroll. Il continua de courir.

Il passa par-dessus le corps du terroriste affalé sur le pas de la porte.

Instinctivement, Carroll se colla au mur du couloir. La joue plaquée contre la cloison froide à la peinture écaillée, il haletait.

Les pensées tournoyaient dans sa tête.

Un hélicoptère Cobra de l’armée ? Comment avaient-ils réussi à se procurer un Cobra ? C’était tout bonnement impossible… Green Band attendait à l’étage, et ça, ça paraissait tout aussi impossible.

Vendredi Noir
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